Estelle Yomeda, une artiste nomade engagée dans la promotion de l’artisanat africain
Estelle Yomeda est artiste designer et créatrice d’un laboratoire de savoir-faire entre Paris et Lomé. Elle explore différents champs du design, notamment le mobilier et le textile.
Après un baccalauréat en arts plastiques, elle poursuit des études en arts visuels à l’université. Passionnée par le dessin, la peinture et le fait main depuis toujours, elle savait qu’elle travaillerait dans le domaine artistique, avec une activité manuelle. Après ses études, elle rejoint les ateliers de costumes de l’Opéra du Rhin de Strasbourg. Parallèlement à son amour pour les arts plastiques, elle développe une passion pour la chaussure. Travailler à l’Opéra lui permet d’apprendre le métier de bottier dans un cadre inspirant. Ce lieu réunit des artisans d’exception, tels que des selliers, des perruquiers et des corsetiers.
Elle quitte ensuite Strasbourg pour Paris, où elle continue sa formation avec un bottier installé à Belleville. Cet artisan, en plus de son talent, lui transmet une grande sagesse. Il partage avec elle un savoir-faire précieux qui l’aide dans son parcours. Plus tard, elle rejoint le studio chaussures d’Yves Saint-Laurent. Là-bas, elle développe des prototypes de collection ainsi que des chaussures pour les défilés.
Estelle Yomeda, une chausseuse sachant chausser
Son amour pour la chaussure remonte à son enfance. Elle se souvient avoir souvent dessiné des personnages avec des petites chaussures, notamment des babies. Une exposition de chaussures, visitée avec sa grand-mère, a probablement marqué son imaginaire. Fascinée par la créativité autour de cet objet, elle considère la chaussure comme un mélange de volume, de sculpture et de matière. De plus, les contraintes techniques la stimulent, car une chaussure doit être ajustée avec précision. Cette complexité l’a toujours passionnée.
Estelle crée une mini-collection de chaussures, fabriquée à la main. Grâce à Hortensia de Hutten, une grande figure de la mode, elle participe à un salon de créateurs. Cet événement lui permet de rencontrer des clients japonais, marquant le début de sa marque éponyme, Estelle Yomeda, qu’elle développera durant douze ans. Sa marque sera distribuée au Bon Marché, aux Galeries Lafayette, au Japon et aux États-Unis.
Après douze ans, elle ressent le besoin d’explorer d’autres domaines. La crise rend également la situation plus difficile. Elle décide de se reconnecter à ses racines togolaises et découvre l’artisanat local. Un voyage au Togo lui révèle une nouvelle passion : le Kenté. Ce tissu, porteur de sens et esthétiquement fascinant, inspire la création de son label Kente Project. Elle revisite ce tissage avec de nouvelles combinaisons de motifs et de couleurs, en l’adaptant à des accessoires comme des sacs et des chaussures.
Kente Project Art Lab : un hommage à l’artisanat
Travailler entre Paris et Lomé est essentiel pour sa créativité. Ses séjours au Togo lui permettent de se ressourcer et d’être plus inspirée. Elle se concentre pour l’instant sur le marché français, mais cela pourrait évoluer. Sa clientèle est variée, bien que souvent internationale.
Avec Kente Project Art Lab, elle continue de travailler le bois, matériau qu’elle utilise depuis toujours. En collaboration avec un ébéniste, elle crée des objets fonctionnels et des sculptures. Ses créations se situent souvent à la frontière entre art et design. Elle voit ses œuvres comme des pièces uniques, et non comme de simples objets.
Son travail ne s’inscrit pas dans une production de masse. Elle fait partie du mouvement « collectibles design », qui valorise les pièces uniques ou produites en série limitée. Chaque création naît d’un dialogue entre artisanat et design, donnant un caractère unique à chaque œuvre. Elle aime dessiner et travailler directement avec les artisans pour créer des pièces spéciales.
Vers un avenir élargi
Estelle a participé à de nombreux événements, comme Paris Design Week ou des expositions dans des galeries, notamment à la 193 Galerie. Elle préfère cependant se concentrer sur la création plutôt que d’ouvrir une galerie ou une boutique. Elle a également collaboré avec des marques comme Gérard Darel lui permettant d’explorer différents savoir-faire, toujours avec la même passion.
À l’avenir, elle souhaite développer davantage son travail autour du mobilier et du textile. Elle envisage de passer plus de temps à Lomé, où elle pourrait avoir un atelier showroom. Le continent africain, riche en créativité et en talent, l’inspire profondément. Le lien entre la main, le savoir-faire et la création est au cœur de son travail.
crédit photo @Jacques Edouard Vekemans
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