Le potentiel de l’industrie textile africaine
Le développement d’une industrie textile africaine solide passe par la maîtrise de la transformation des matières premières. Il faut des usines répondant aux standards internationaux et du personnel compétent pour créer un écosystème vertueux. Toutes les étapes de la filière textile depuis la culture de coton jusqu’à la fabrication de produits finis doivent être réalisées sur le continent. Ce sont les conditions nécessaires pour de réduire la dépendance vis à vis du reste du monde.
Le Made in Africa peut-il devenir un argument marketing?
Aujourd’hui, la production Made in Africa n’est pas considérée comme un argument marketing. Quand une entreprise veut mettre en avant le caractère vertueux de sa stratégie sourcing, elle présente une école au Vietnam ou au Bengladesh. Elle nous explique comment elle investit pour l’éducation des petites filles et l’amélioration des conditions de travail des femmes. Et ce sont des experts du Greenwashing qui veillent à nous confirmer la réalité de l’éthique des marques de mode. Chaque déclaration en matière de développement durable est traitée comme un sujet clé. En effet, le risque de boycott est fort c’est pourquoi chaque information doit être avérée pour éviter le scandale.
Quelles sont les opportunités de développement d’une industrie textile africaine?
Dans un tel contexte, les patrons d’usine basés en Afrique peuvent bénéficier d’une opportunité pour proposer une alternative équitable faible en empreinte carbone. En réalité, les avantages d’une production textile au Maroc ou en Tunisie sont bien connus. Dans les années 80 et 90, le succès des marques de mode françaises reposait sur la réactivité avec des réassorts fabriqués en France ou au Maghreb. Les délais garantis avec une production au Maghreb pour une entreprise dont le siège est basée en France ne dépasse pas les 6 semaines pour un produit connu avec une matière disponible. Les usines de fabrications marocaines expertes en denim sont reconnues parmi les meilleures du marché. Les compétences des équipes locales sont recherchées pour assurer le sourcing des meilleures qualités de jean notamment.
Le groupe Inditex fait tourner l’industrie textile africaine
Le groupe Inditex est un donneur d’ordre puissant avec des volumes de commandes importants et des conditions de paiement avantageuses. Les sous-traitants des modèles phares des collections du géant de la fast fashion sont fortement dépendants. Cette situation n’est pas idéale mais peu de marques peuvent rivaliser avec le champion mondial de la mode de milieu de gamme.
Les sous-traitants occupés à traiter les commandes de ce client prioritaire ont peu de temps pour réduire leur dépendance. Ils ne répondent pas aux demandes éventuelles d’autres marques. Ils n’ont pas le temps de prospecter. Quand Zara propose des capsules d’actualisation, plus de 90% des pièces de collection de prêt à porter sont fabriquées entre le Maroc, le Portugal, l’Espagne et l’Italie. L’analyse du sourcing de la dernière collection Zara SRPLS est une belle démonstration de la qualité des usines marocaines qui interviennent à plusieurs étapes : tissage, teinture et impression et confection des produits.
Soeur et Rouge fabrique en Afrique
Les stratégies de sourcing de certaines marques de mode françaises de haut de gamme telles que Rouge ou Soeur sont aussi de belles preuves de la qualité du savoir-faire du nord de l’Afrique. Ces deux marques ont placé l’intégralité de leur collection de denim en Tunisie. Ainsi, le denim fabriqué en Afrique est donc prisé par une clientèle exigeante en quête de produits premium.
- La marque Rouje propose une collection de jeans coupe droite entièrement fabriqués en Tunisie et vendus 145€ (relevé d’assortiment site e-commerce 22 avril 2024,17 références jean)
- Le marque Soeur propose une collection de jean, chambray et autres toiles entièrement fabriqués en Tunisie avec des prix de vente allant de 145 à 325€ (relevé d’assortiment site e-commerce 22 avril 2024, 28 références jean)
L’industrie du textile africaine subit une concurrence déloyale
De fait, la compétitivité de l’Asie reste indéniable. Le maintien de conditions douanières plus favorables aux importations chinoises entrave le développement des exportations de produits fabriqués en Afrique vers l’Europe. La seule volonté des industriels africains ne peut suffire à bousculer un ordre établi. Les enjeux économiques deviennent politiques. Quand les usines du Maghreb produisent pour le marché local, elles sont confrontées à la concurrence. D’une part, elles doivent rivaliser avec une marchandise de qualité relative fabriquée en Turquie ou en Chine, d’autre part elles sont confrontées à la concurrence de la seconde main. Le niveau du salaire minimum restant faible, les populations locales consomment cette offre bas de gamme. Elles délaissent les produits made in africa jugés trop chers.
Rivaliser avec les exportations de première et de seconde main
Pour répondre aux standards internationaux, les usines africaines ont des grades de qualités élevés. En effet, Elles sont régulièrement auditées par des organismes de référence. Le niveau de prix qu’elles peuvent proposer pour le marché local correspond à des standards occidentaux de marques de haut de gamme. Les tentations d’une limitation des importations de produits finis de première ou de seconde main sont légitimes. La Chine, experte dans la protection des intérêts de son industrie locale, pourrait être un exemple à suivre. Mais il convient d’assurer l’autosuffisance pour mener une politique similaire.
En conclusion, l’essor d’une industrie du textile africaine solide est entravé par des intérêts extérieurs. Mais la préférence nationale sont des leviers pour préserver le commerce de tissus traditionnels copiés par des usines chinoises qui proposent des versions de Bogolan, Kente et Wax à tarifs attractifs. La classe moyenne africaine et la diaspora revendiquent le patrimoine locale et deviennent de véritables ambassadeurs de l’industrie textile africaine.
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